2.1 - La réflexion préalable

mise à jour: 21/07/2015


2.1.1 Définir le cahier des charges

- Il sera important d'abord de convenir des objectifs de l'étude, des résultats attendus, de leur exploitation possible, de leur part contributive au plan de gestion.
Il faudra également déterminer les priorités entre les sites, entre les questions et les variables, entre les méthodes, pour parvenir au dimensionnement optimum du projet. A ce niveau devront être référencés les " renseignements" utiles, ceux que l'on souhaite valider par l'enquête. Ce seront :

  • des informations techniques ou pratiques qui permettent d'asseoir des décisions (dimensionnement des parkings, capacités d'accueil, charge sur des sentiers ou des sites),
  • des renseignements qui permettront d'envisager une action (profil et origine des visiteurs, lieux de séjour, attentes, relations avec les professionnels ou les accompagnateurs, perception de l'espace protégé etc.).

- Ces différentes étapes dans l'élaboration du cahier des charges sont souvent itératives: autrement dit, comme pour l'élaboration d'un budget, il faut passer par différentes phases successives de propositions et de remise en question : une première phase pour construire le champ le plus large possible, une deuxième phase pour le restreindre en fonction des contraintes, notamment budgétaires. Cela nécessite à peu près autant de temps pour préparer une étude de fréquentation que pour la mettre en oeuvre et parvenir aux résultats.

- Il faudra enfin s'accorder sur quelques définitions de base qui feront partie du référentiel commun pour l'ensemble des études à venir: définition de l'espace (où commence la zone d'enquête, où s'arrête- t-elle à l'extérieur et à l'intérieur de l'espace protégé), quelles voies d'accès privilégier, quels flux et cycles prendre en compte, qu'appelle-t-on visiteur, qu'appelle-t-on visites, (un visiteur au parking est-il identique à un randonneur ou un visiteur en refuge ?), quelles seront les unités de comptage (par exemple véhicules ou passagers ?)

- Il faudra enfin s'accorder sur les moyens dans le temps, c'est-à-dire sur la définition d'une politique de mesure qui s'insère durablement dans la gestion de l'espace. C'est à ce stade que l'alternance " études lourdes-enquêtes légères " sera établie avec la définition des moyens correspondants (internes, externes, partenariats).

2.1.2 Sélectionner les prestataires

- Il est nécessaire de rappeler ici l'un des principes qui guide ce document: le but n'est pas de réali ser en interne ce type d'enquête, mais d'être capable de le piloter et d'évaluer les résultats obtenus par les sous-traitants chargés de la mise en oeuvre. IL s'agit donc d'abord de réaliser un Cahier des Charges.

- Ce cahier des charges servira de base à un appel d'offres. Celui-ci peut être sectoriel ou global, selon un arbitrage « budget interne-budget externe » propre à chaque espace (le budget le moins coûteux n'étant pas forcément celui que l'on croit).

- Le gestionnaire de l'espace protégé peut choisir de segmenter l'enquête et de répartir sa réalisation entre différents prestataires, chacun fortement positionné sur son pôle de compétence : enquêtes quantitatives, enquêtes qualitatives, traitement des données, logistique, analyse, communication des résultats. Il en est alors le coordinateur et en assure la maîtrise d'oeuvre. Cette option favorise l'accumulation d'expérience et la maîtrise du développement par le gestionnaire. Elle demande en revanche une disponibilité et des compétences internes accrues. Dans cette hypothèse, il est également souhaitable de s'assurer de la pérennité des ressources internes (dans l'étude inter-parcs 1996, un des Parcs nationaux avait confié le suivi de l'étude à un stagiaire présent pendant toute la durée de l'étude: le savoir-faire acquis a été perdu à la fin de son contrat). Cette option impose de s'assurer qu'à l'issue de l'étude, la totalité des données brutes seront transmises au gestionnaire de l'espace.

- Il peut également en déléguer la totalité à un maître d'oeuvre qui coordonnera les différentes compétences pour son compte. Cette option est la plus simple à mettre en oeuvre. Elle accentue cependant la dépendance du gestionnaire d'espace envers le prestataire, puisqu'elle ne lui permet qu'indirectement de contrôler la méthode employée et les résultats obtenus. Elle vulnérabilise également le suivi des études dans la durée, en particulier dans le cas d'application de méthodes par trop spécifiques.

- Le choix entre ces options restera de la responsabilité du gestionnaire. On peut simplement remarquer ici qu'il vaut mieux avoir recours à des compétences confirmées sur des méthodes « passe-partout », plutôt que sur des méthodes et des concepts très particuliers qui seront difficilement compatibles avec celles de futurs partenaires.

2.1.3 Construire le questionnaire

- Monter un questionnaire ne s'improvise pas : c'est affaire de métier, et il est préférable de s'adresser à un professionnel et il s'agit ici de comprendre la méthodologie pour piloter efficacement le prestataire. Cette phase de l'étape préalable requerra de nombreux allers et retours, dont le nombre sera proportionnel au nombre de partenaires autour de l'étude. Ces allers et retours sont nécessaires: il faut concevoir le questionnaire, non seulement de façon optimale pour l'étude en cours, mais égaIement dans la perspective d'études futures. Ne pas oublier que la rédaction du questionnaire représente «l'instrumentalisation des hypothèses».

- Ce questionnaire devra être évalué sous 3 angles :

- Au plan technique : s'assurer que les questions se complètent et se croisent, vérifier l'alternance des réponses positives et négatives, des formulations et des types de questions (êtes-vous tout à fait d'accord, assez d'accord, assez peu d'accord, pas du tout d'accord avec les propositions suivantes, ... parmi les propositions suivantes avec lesquelles vous sentez vous le plus proche), vérifier que les questions ouvertes ne sont pas trop nombreuses, qu'elles sont toutes nécessaires et qu'elles seront toutes exploitables, D'une façon générale, il est prudent de briser régulièrement le rythme de questionnement pour éviter la monotonie qui induit des réponses automatiques. Il est bon de se rappeler qu'on n'aura de réponse qu'aux questions qu'on aura posées et que ces réponses doivent construire un faisceau de preuves.
Il importe ici d'avoir à l'esprit les principaux biais de formulation des questions (cf. tableau ci-dessous).

LES PRINCIPAUX BIAIS DE FORMULATION DES QUESTIONS

Utilisation de termes peu familiers ou techniques

Exemple : « Pensez-vous que le radio-tracking ait une influence durable sur l'éthologie du chamois ? »
 → Le vocabulaire employé doit être celui utilisé par les personnes interrogées.

Utilisation de termes vagues, imprécis, ambigus

Définir le sens précis des termes employés. Exemple: « Que pensez-vous du balisage de la zone ? »

Formulation de questions trop longues

Exemple: « Pensez-vous souhaitable que les accompagnateurs en montagne soient des professions indépendantes comme par exemple les guides de haute montagne avec un bureau dans la vallée à l'intérieur des Offices de Tourisme ou qu'ils soient salariés du Parc comme les gardes du Parc ? »
 → Utiliser une vingtaine de mots maximum.

Structure de la question trop complexe

Double négation, deux questions en une: « souhaitez-vous des toilettes sur les parkings ou sur les sentiers ? »

Réponse biaisée systématiquement ou induite

Exemple: « Pensez-vous que ce serait très dommageable ou dommageable, pour votre séjour, si les gestionnaires de l'espace protégé décidaient unilatéralement des sentiers qui seraient interdits au public ? »

 

Source : adapté de Y. EVRARD, B. PRAS, E. ROUX en collab. avec J.-M. CHOFFRAY, A.-M. DUSSAIX, " MARKET: Etudes et recherches en marketing ", Nathan, Paris, 1993.

- Au plan pratique : le questionnaire est-il compréhensible? quels malentendus peut-il induire ? Ne pas oublier que l'on s'adresse à des segments de population très différenciés qui peuvent interpréter une question de façon variable. De même, les questionnaires seront administrés par des personnels souvent peu formés, dans des contextes différents: il est généralement utile de multiplier les relectures par des observateurs non impliqués dans l'étude, y compris par des regards candides. Il est ainsi d'usage de procéder à des « enquêtes à blanc» ou « pré-tests » avant diffusion du questionnaire finalisé, ne serait-ce que pour en minuter le temps de réponse (généralement sous-estimé tant que l'on n'est pas sur le terrain). Au delà de 10 minutes, l'attention portée au questionnaire baisse et la qualité des réponses s'en ressent.

- Pour limiter les erreurs et les baisses d'attention, certaines règles dans l'organisation du questionnaire sont à respecter :

  • La progressivité des questions : il s'agit de commencer le questionnaire en posant des questions générales (relativement neutres et faciles) et de centrer progressivement l'interrogation sur des questions plus précises et plus difficiles. Cette progressivité permet à la personne interrogée de se familiariser avec le format du questionnaire ainsi que de l'amener à réfléchir sur le sujet de l'enquête.
  • Le plan de questionnaire : le questionnaire doit être bâti à partir d'un plan composé de thèmes à aborder et de questions s'inscrivant à l'intérieur de ces thèmes.
  • L'introduction de questions filtres : elles permettent de segmenter l'échantillon en posant certaines questions à une partie de l'échantillon concerné par le sujet. Il est cependant souhaitable d'y avoir modérément recours de façon à ne pas transformer le questionnaire en un « labyrinthe» difficile à gérer pour les enquêteurs et pour l'analyse.

- Au plan de la compatibilité : le questionnaire doit être analysé en fonction des résultats recherchés pour l'étude en cours, mais également dans la perspective de la continuité : quelles questions seront récurrentes, quelles sont celles qui pourront être supprimées ou remplacées pour élargir ou réorienter le champ d'exploration, quelles sont celles qui devront être adaptées pour tenir compte de l'évolution du contexte et de l'environnement ? Dans la conception de questionnaires successifs, il est d'usage de maintenir les questions récurrentes à la même place pour limiter les effets parasites (par exemple, maintenir une question à coloration positive entre deux négatives).