Avant-propos

  1.  Le but du document : des objectifs opérationnels et pratiques

Ce document a été réalisé en partenariat entre l'Atelier Technique des Espaces Naturels. et des responsables des Parcs nationaux des Ecrins, des Pyrénées et de la Vanoise.
C'est un document technique : il est destiné aux responsables d'espaces protégés, quel qu'en soit le statut, les dimensions et la localisation, qui souhaiteraient engager, poursuivre ou réorienter des recherches sur la fréquentation de l'espace dont ils ont la charge.
Il s'agit d'élaborer une sorte de mode d'emploi pour des études de fréquentation, un cadre homogène mais large et ouvert à des adaptations spécifiques. Il précise non pas comment mener soi-même ce type d'étude, mais l'ensemble des questions qu'il convient de se poser pour que l'étude produise des résultats exploitables.

Les objectifs opérationnels sont au nombre de 4 :

  1. Aider les responsables d'espaces naturels à définir les objectifs et structurer une démarche de mesure de la fréquentation de leur site dans la durée. " s'agit de définir, à partir d'une expérience donnée, une proposition de cadre de travail, qui serve de base pour les réflexions préliminaires et la définition des objectifs, ainsi que de cadre méthodologique pour le déroulement de la phase terrain et l'analyse des résultats.
  2. Aider ces mêmes responsables à mettre en place une organisation adéquate pour piloter cette étude. Au vu de cette expérience reliée à d'autres, il semble impossible que des responsables d'espaces protégés mènent seuls, sans aide extérieure, l'intégralité de ce type d'opération: elle requiert des partenariats, des expertises et des outils, sans parler du temps nécessaire pour la piloter et la mener à bien, qui sont rarement disponibles en interne. " est donc nécessaire de sous-traiter tout ou partie de la réalisation. Ce document constitue dès lors un cadre, pour l'élaboration d'un cahier des charges dans un appel d'offres et pour la sélection des candidats. " pourra également être utilisé comme un point d'appui utile pour la mise en oeuvre de l'étude et pour l'évaluation des résultats.
  3. Il s'agit enfin d'apporter un éclairage méthodologique dans le cadre d'une approche spécifique (3 parcs nationaux de montagne) : les méthodes d'analyse sont nombreuses et ce document ne prétend pas à l'exhaustivité. C'est avant tout le partage d'une expérience qui a été jugée suffisamment riche et intéressante pour être porteuse d'enseignements. " décrit cette expérience, les questions qui se sont posées, les réponses qui ont été apportées, ses limites et ses enseignements, à partir d'une analyse et d'un historique donnés.
  4. Il peut enfin constituer un guide dans l'interprétation des résultats, un élément dans un schéma de doctrine propre à chaque espace protégé.
     
  1. Pourquoi une étude de la fréquentation dans des espaces naturels protégés

Il s'agit tout d'abord de lever une ambiguïté: les espaces protégés sont à la fois des territoires, aux caractéristiques propres, et des institutions qui ont la responsabilité de la gestion de cet espace. Une étude de fréquentation sert à la fo is le territoire et l'institution:

  • Elle sert le territoire parce que les visiteurs font partie de l'espace que l'on protège: Il s'agit, en les connaissant mieux, de mieux répondre à la mission de protection et d'accueil physique sur place.
  • Elle sert l'institution, parce que les flux de visiteurs peuvent être compris comme des facteurs d'interaction avec l'environnement large de l'espace que l'on a pour but de protéger, environnement dont l'institution est l'un des acteurs.

Dans ce document, l'espace en tant que territoire sera mentionné avec un « e » minuscule », l'Espace en tant qu'institution avec un « E » majuscule.

  1. Mieux connaître les visiteurs
    - Les touristes sont en eux-mêmes un facteur de risque pour l'espace que l'on protège, par leurs comportements et attitudes ou par leur nombre. Il importe de comprendre et mesurer ces facteurs de risque qualitatifs et quantitatifs, on ne cherche pas dans ce document à mesurer les risques euxmêmes ni à en évaluer l'impact. L'étude des impacts est un autre sujet qui engage d'autres moyens, d'autres expertises et d'autres méthodologies. Cependant, elle nécessite de connaître les flux de fréquentation.
    - La maîtrise de la fréquentation touristique d'un espace protégé est d'abord une question de maîtrise des flux. La gestion de ces flux dans le temps et l'espace peut reposer sur des approches quantitatives (par exemple, des filtrages) ou plus qualitatives: en comprenant les motivations et les attentes de groupes typologiques, il est possible de répartir ces flux d'une façon peu ou moins contraignante en proposant des destinations alternatives différenciées selon les profils.
  2. Comprendre pour anticiper
    - Il n'est pas dans la mission des espaces protégés d'augmenter la fréquentation de l'espace, ni dans leurs intentions de développer une démarche visant à conquérir une clientèle. L.:optique n'est pas commerciale. La fréquentation est une donnée de l'espace qui doit être comprise exclusivement comme telle.
    - En revanche, il est dans la mission de l'Espace d'accueillir les visiteurs et, si possible, de favoriser, par des approches pédagogiques adaptées, l'émergence ou le développement de comportements respectueux du patrimoine naturel. La prise en compte de certaines attentes ou de certains besoins peut faire partie de cette approche pédagogique. En ayant connaissance de l'ensemble du spectre des motivations des visiteurs, l'Espace peut agir sur ces motivations comme sur autant de leviers qui façonnent le profil optimal de clientèle qu'il souhaite accueillir en fonction des sites dont il a la charge et de leurs contraintes.
    Encore faut-il préciser que la satisfaction de ces besoins n'a pas pour vocation d'accueillir plus mais d'accueillir mieux, et si possible, d'accueillir des visiteurs déjà conscients des enjeux et des limites, donc informés et sensibilisés bien en deçà des limites physiques de l'espace protégé.
    - L'étude de fréquentation peut aider à évaluer le bien-fondé d'attentes ou de demandes explicitement formulées par divers publics (ex: mise en place de navettes). Elle alimente ainsi les outils de gestion.
    - Une étude de fréquentation s'insère nécessairement dans le plan de gestion de l'espace. Elle intègre donc les dimensions principales de ce plan de gestion (par exemple, le recensement et l'évaluation de l'existant à des fins de conservation et de valorisation).
    - La partie quantitative d'une étude permet, en prolongeant les courbes et les tendances, de prévoir les évolutions à venir dans le trafic et la fréquentation. Cette analyse prospective qui porte autant sur la projection des tendances que sur celle des pics, permet d'anticiper les moyens qui seront nécessaires à l'exercice de la mission à un horizon plus ou moins lointain. Elle permet notamment de prévoir, par exemple, les niveaux de saturation d'un site, les équipements ou aménagements nécessaires (ex: les parkings) ou les mesures conservatoires nécessaires.
    - S'appuyer sur une analyse qualitative des flux touristiques permet également, et cela a son importance, de gérer ces flux non pas à partir de la rémanence de comportements issus du passé, mais en s'appuyant sur l'émergence de tendances en devenir. On s'assure ainsi de l'efficacité des programmes ou des plans d'action sur le long terme.
  3. Inscrire l'Espace dans son environnement socio-économique
    - Le territoire n'est pas un lieu isolé sans lien avec l'extérieur. C'est un espace ouvert en interaction constante avec son environnement. L:organisme gestionnaire a donc des liens à la fois statutaires et socio-économiques avec cet environnement: en tant qu'institution, l'espace protégé est notamment comptable de l'impact des visiteurs sur la vie commune, que cet impact soit positif (développement touristique) ou négatif (les nuisances associées à ce développement, comme par exemple le trafic et le stationnement des véhicules).
    - Par ailleurs, en développant sa connaissance qualitative et quantitative des flux qu'il génère ou qu'il accueille, l'Espace acquiert une base de connaissance qui peut renforcer sa légitimité et son poids dans son environnement : les études de fréquentation permettent ainsi d'argumenter ou documenter les propositions et prises de position de l'espace protégé dans ses discussions avec les communes et les acteurs économiques locaux.
    - L:expérience acquise par les études de fréquentation permet également d'évaluer les conditions d'association ou de délégation de certaines actions d'orientation des flux ou d'accueil à des partenaires locaux (communes, stations, Comités Départementaux de Tourisme, Offices du Tourisme et Syndicats d'Initiative, Syndicats intercommunaux etc.)
    - Enfin, l'étude de fréquentation permet, dans une certaine mesure, d'évaluer l'impact sur la fréquentation de certaines mesures ou choix économiques : impact de la sensibilité au prix sur les pratiques touristiques, services payants etc.