1.2 - Etudier pour décider

 

1.2.1 L'étude s'inscrit dans une logique vérifier-décrire-explorer

- Les objectifs de l'étude peuvent être uniques ou multiples, mais doivent être précis. Ils doivent, en tout état de cause, aider à « maîtriser» le phénomène observé (ici la fréquentation) et aider à la décision. L'étude devra donc permettre de conclure à partir d'hypothèses et pas seulement se satisfaire d'observations cumulatives.

- Ces conclusions enrichissent le champ initial qui s'élargit ainsi d'une étude à l'autre: le paradoxe de l'étude est ainsi d'ouvrir le nombre d'hypothèses en même temps qu'elle répond à des questions posées.

1.2.2 Un processus orienté vers la décision

Tôt ou tard, la question de l'utilité de l'étude de fréquentation sera posée: à quoi sert-elle et les fonds investis dans ces recherches ne seraient-ils pas mieux utilisés sur d'autres missions de l'Espace. La compréhension de la fréquentation doit être orientée vers l'action que ce soit par l'espace lui-même ou par ses partenaires, et ne pas seulement nourrir la réflexion. L'expérience de l'étude interparcs 1996 illustre 3 domaines d'action possibles à partir d'une étude de fréquentation. Ils peuvent servir de base pour déterminer les objectifs d'autres études (objectifs prioritaires, objectifs secondaires) :

- La gestion du territoire : anticipation et gestion de l'impact de la fréquentation sur le milieu, gestion, répartition, programmation et développement des équipements (signalétique sur les sentiers, équipements d'accueil aux portes de l'espace, gestion des parkings et des voies d'accès), équilibres et développement différenciés entre les sites. Par exemple, l'étude des comportements sur un des sites majeurs du Parc national des Ecrins a permis de comprendre que la saturation des parkings n'était pas dûe à leur dimensionnement mais aux comportements des visiteurs. Ceci a apporté une réponse à la demande pressante des communes voisines réclamant des parkings plus importants.

- La gestion de l'institution : évolution de ses besoins (matériels, humains, organisationnels, logistiques), formation, programmation de son développement (plan de gestion), partenariats et échanges financiers, délimitation du champ de responsabilité du gestionnaire de l'espace, renforcement de son identité au plan local ou plus large. ~étude de 1996 sur les Parcs nationaux de la Vanoise, des Ecrins et des Pyrénées a montré, par exemple, que si le territoire « parc» était reconnu, l'institution « Parc» était pour sa part méconnue.

- Les liens de l'institution avec son environnement : répartition des rôles avec les partenaires socioéconomiques et institutionnels (Office national des Forêts, Direction Départementale de l'Agriculture et de la Forêt, Direction Départementale de l'Equipement), les collectivités territoriales, les liens avec d'autres espaces protégés. On pourra aussi utiliser l'étude de fréquentation pour mesurer l'incidence de ruptures dans les équilibres locaux (implantation industrielle, infrastructures de transport par exemple).

Le processus d'étude se déroule en plusieurs phases :

- La conception de l'étude (voir fiche 1.3) : C'est dans cette phase, essentiellement interne, que seront explorées les questions qui précèdent. Quelle sera l'utilité de l'enquête pour quels enjeux, sa place dans le plan de gestion, la pérennité à laquelle on s'engage ? Quelles sont les hypothèses fondatrices, ce que l'on sait, ce que l'on veut vérifier, ce que l'on veut explorer, ce qu'on en fera ? L:analyse du contexte et la prise en compte de l'environnement institutionnel et socio-économique ont ici leur importance : quels sont les partenariats possibles, quelles seraient les ruptures éventuelles ? Par exemple, un bouleversement du contexte local ou régional risque de briser la chaîne de continuité entre les différentes études et toutes les données ultérieures ne pourront pas être rapprochées de celles de l'enquête initiale. Cette phase de conception doit aboutir à l'élaboration du cahier des charges, à la sélection des partenaires (maîtres d'ouvrage et maîtres d'oeuvre), aux choix méthodologiques.

- La préparation logistique (voir fiche 2.2) : Il ne faut pas sous-estimer le poids d'une telle étude pour le gestionnaire de l'espace: même en cas de sous-traitance à des sociétés spécialisées, son implication sera forte que ce soit au plan financier, humain, matériel et en temps passé. La planification attentive des besoins d'organisation est essentielle pour le bon déroulement de l'étude ... et pour l'acceptabilité de ses résultats.

- Le recueil des données : C'est la phase terrain proprement dite, avec la mise en oeuvre des outils méthodologiques, la logistique, les moyens financiers, matériels et humains.

Pour que cette étape se déroule de façon optimale, de nombreux aspects de l'enquête doivent avoir été envisagés préalablement à sa mise en oeuvre effective. Des questions aussi simples que la gestion des enquêteurs en cas de conditions climatiques très défavorables obligeant à l'interruption du travail (report du jour d'enquête: où, quand, etc.) ou encore la formation qu'auront suivie les enquêteurs (si l'on a recours à un personnel non professionnel) seront à cet égard déterminantes. Elles doivent être préparées de manière à savoir parer au maximum d'imprévus et réagir aux mêmes situations de façon identique. Il est donc souhaitable d'organiser un « briefing» (c'est-à-dire l'ensemble des instructions données aux enquêteurs). Cette phase permet d'améliorer le travail de l'enquêteur et consiste à :

• déchiffrer le questionnaire ;

• attirer l'attention des enquêteurs sur les points difficiles ;

• imaginer les situations auxquelles risque d'être confronté l'enquêteur et à prévoir la façon d'y réagir.


Le recueil des données s'achève par le récolement des questionnaires : il s'agit ici de vérifier chaque questionnaire (les numéros, les dates, l'emplacement des croix) pour lever toute ambiguïté au moment de la saisie informatique. Cette relecture (assez longue et fastidieuse) peut se faire à la fin de l'enquête. Il est préférable, néanmoins, de l'effectuer au fur et à mesure, pour corriger en temps réel d'éventuels biais (questions mal posées, biais d'enquêteur, ... ) 2

- Le traitement et la définition des variables clé (voir fiche 2.2) : A partir du recueil des données, c'est l'ensemble du travail statistique, du calcul d'indicateurs synthétiques (ratios, groupes typologiques, etc.). Il importe ici de s'assurer d'abord de la représentativité des échantillons sur lesquels on travaille. Des seuils d'effectifs minimum par famille ou par profils, doivent être définis en fonction des univers analysés. Par ailleurs, une certaine constance dans le traitement est nécessaire pour ne pas réinventer de nouveaux ratios ou de nouvelles méthodes d'analyse à chaque étude, en particulier dans le cas où le prestataire sous-traitant change d'une étude à l'autre. Cette étape se déroulera d'autant mieux qu'elle aura été convenablement préparée: identification des variables et des modalités qu'elles peuvent prendre, précodage du questionnaire, établissement d'un bordereau de dépouillement en prévision de la saisie informatique. Cette préparation sera confiée à un organisme extérieur mais il importe de l'avoir à l'esprit: le gestionnaire peut ressentir le besoin de « retourner» aux données quelque temps après l'intervention de cet organisme. Il lui importera alors de savoir comment le questionnaire a été codé, ne serait-ce que pour pouvoir lire les données.

- L'analyse et l'interprétation des résultats (voir fiche 2.4) : Cette étape est capitale: il s'agit de tirer de l'enquête sa vraie substance. Dans un premier temps, il importe de partir des résultats bruts. On procède donc d'abord à une mise à plat des résultats. Les erreurs ou les limites sont détectées. On peut confronter les observations et les mesures de l'expérience des gens de terrain, en particulier pour les sites où les observations sont faibles ou sujettes à caution.

Ce rapprochement des statistiques avec l'expérience est important pour plusieurs raisons: il permet de garder le lien avec la réalité (il s'agit d'expliquer le réel et non de construire une abstraction), il rend possible la pondération des observations et la mise en évidence des éventuelles anomalies. Il permet enfin d'associer le personnel de l'Espace à une étude qui engage directement.

Finalement, on rapproche les résultats de ceux des enquêtes précédentes, on actualise voire pondère les ratios, on prolonge et interprète les tendances.
Il importe ici de ne « faire dire » aux données que ce qu'elles « disent » effectivement. En d'autres termes, il faut être prudent dans l'analyse des chiffres. Un pourcentage par exemple peut parfois cacher une base quantitative très faible et donc être d'une fiabilité finalement médiocre.

Plus que les tableaux de données parfois peu lisibles et souvent indigestes, on privilégiera les représentations graphiques qui facilitent l'analyse (voir pg 2.4.2.3): on utilisera la représentation cartographique autant pour l'analyse que pour la restitution des résultats: elle donne une vision claire du territoire et de ses enjeux. Elle permet de visualiser à la fois les données géographiques du territoire, les éléments propres à chaque site et les différents flux selon leur nature.

 

 

- La restitution (voir fiche 2.5) : elle doit être prévue très en amont : qui seront les publics destinataires des résultats, pour quels usages et sous quelles formes ? Ces formes seront variables selon que la restitution s'adresse au personnel scientifique, aux gestionnaires, aux partenaires de l'espace ou au grand public (journalistes). Il ne faut pas sous-estimer le poids, en particulier budgétaire, de la restitution des résultats: mieux vaut peu de résultats correctement restitués et donc utilisables (des idées fortes qui aideront l'action), qu'une pléthore d'informations qui restent finalement dans les dossiers.

Cette restitution devra être abondamment illustrée : des photos prises au cours de l'enquête (visiteurs, parkings, situations), des cartes, des graphiques et des schémas rendent vivantes et compréhensibles des statistiques qui peuvent être rébarbatives et finalement peu explicites. Pour faciliter le travail de stockage de l'information et de comparaison des résultats produits, la forme de la restitution devra avoir une certaine constance d'une étude à l'autre (cf. ci-dessus, la construction d'un référentiel commun).

 

 

- La prise de décision : les enseignements tirés de l'étude doivent au minimum être source de réflexion, devenir des éléments de dialogues, voire de débats, à la fois internes (orientations et applications) et externes (négociation et arbitrages). C'est de la compréhension que va naître l'action. Si les résultats de l'étude n'ont pas d'impact sur la connaissance globale chez le gestionnaire de l'espace, s'ils ne teintent pas dans la masse son organisation et sa réflexion, le principe même de l'étude de fréquentation pourra être remis en question

1Sauf à vouloir mesurer l'incidence de ce bouleversement comme indiqué plus haut.
2Exemple de question mal posée « quel a été le but de votre ballade, " (le répondant ne sait pas s'il s'agit de la destination finale, et dans ce cas comment vérifier ce qu'il comprend par destination, de ses motivations .. . ).